Le professeur méprisant
Un soi-disant grand économiste américain conclut une de ces démonstrations, qui font la joie de certains internautes en période de débat politique, par une formule qui m’amène à affirmer ma solidarité avec ses étudiants les plus rétifs : »Pour ceux qui n’ont pas compris, aucune explication n’est possible ». Cette phrase terrible me semble être la marque d’une attitude hautaine qui mérite d’être battue en brèche.
Faire briller les participants !
La philosophie d’Euris en matière de pédagogie repose sur beaucoup de doutes et quelques certitudes. Parmi ces dernières, notons au passage la certitude que les personnes n’ont pas toutes la même façon de percevoir et de comprendre. Une autre certitude figure en lettres d’or dans toutes nos formations de formateurs : « Ne cherchez pas à briller, cherchez à faire briller les participants ! » L’idée qu’une personne ne mérite pas d’explication si elle n’a pas compris, est totalement à l’opposé du rôle d’un formateur tel que nous le concevons. Pour nous, un formateur qui constate que certains « n’ont pas compris » doit évidemment se poser la question de ce qu’il peut proposer de différent pour aider à comprendre, comme mettre en relation le sujet traité avec l’expérience des apprenants, leur réflexion, les connaissances déjà acquises par ailleurs ou l’utilisation qu’ils pourront faire de leurs nouvelles acquisitions.
Tout le monde a compris ?
Les professeurs de nos bonnes écoles qui sont souvent accusés de manque d’imagination pédagogique, parfois de « débiter » leur cours, peuvent s’enfermer dans leur démonstration avec une certaine obstination. Voici quelques années, à l’entrée au collège, ma fille aînée a laissé une très mauvaise première impression à son professeur de mathématiques. Ayant répondu “pas moi” à la question « tout le monde a compris ? » le professeur a alors recommencé son explication. Et comme elle lui a dit : « Monsieur ce n’est pas que je n’ai pas écouté, mais je n’ai vraiment pas compris. Si vous refaites la même explication, je sens bien que je ne vais toujours pas comprendre », on a aussitôt parlé d’insolence, de parents qui ne savaient pas éduquer leurs enfants, qui ne jouaient pas leur rôle, … En réalité, ma fille venait de quitter une institutrice de primaire, passionnée par la recherche de nouveaux moyens pour aider ses élèves à comprendre, qui trouvait que les erreurs et les difficultés de compréhension des élèves étaient autant de motivations supplémentaires dans cette recherche.
Tenter le passage en force
On peut étendre ce besoin d’élémentaires qualités pédagogiques à chaque manager. Celui qui n’a pas été compris par tous ses collaborateurs doit-il considérer que « pour ceux qui n’ont pas compris, aucune explication n’est possible » ? Nous en rencontrons suffisamment pour savoir à quel point il est difficile de prendre le temps de la clarification plutôt que de tenter le passage en force, en méprisant ceux qui n’ont rien compris. Alors, si vous ne vous faites pas comprendre, ne baissez pas les bras et trouvez comment faire pour faire comprendre autrement.